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Portapak

Une caméra vidéo engagée au service des communautés

1967

Afin de répondre à un besoin de portabilité et de communication, le Portapak devient la référence pour les artistes engagés qui ont un message à faire passer. Le Portapak permet aux cinéastes, communautés et caméramans une grande liberté de parole pour communiquer leur réalité et leur opinion à un large public.

Tu peux te reporter à la section « ressources additionnelles » si tu souhaites consulter un glossaire des termes techniques.

Une caméra vidéo au service de la communauté

Comme son surnom l’évoque, le « Portapak » est conçu pour être portable et manipulé par une seule personne. Difficile de trouver un surnom plus portable pour une caméra, n’est-ce pas ?

Le « Portapak » Sony Video Rover II (AVC-3400) fut commercialisé en 1970. Issu du développement de la technologie du magnétoscope dans les années 1960, cet appareil léger et facile à prendre en main est composé de deux éléments : une caméra et un enregistreur portable. La caméra est équipée d’un microphone qui transmet des signaux audiovisuels à l’enregistreur portable relié à la caméra avec un câble. L’enregistreur portable de type magnétoscope permet de rembobiner la cassette et visionner la scène enregistrée immédiatement après la fin de la prise ; ce qui n’était pas possible avec une caméra pellicule. Le Portapak produit une image noir et blanc de basse définition qui peut ensuite être diffusée sur un poste de télévision.

Que ce soit au sein d’un atelier de production vidéographique communautaire comme le Vidéographe à Montréal ou au sein d’un collectif féministe d’intervention vidéo nommé Vidéo Femmes à Québec, les opérateurs et opératrices utilisent cette nouvelle caméra au profit de créations engagées.

Des exemples de vidéos

Visionner

Philosophie de boudoir coréalisation d’Helen Doyle et Nicole Giguère en 1975
Collection Cinémathèque québécoise. Fonds Vidéo Femmes
Helen Doyle et Nicole Giguère – CC BY-NC-ND 3.0
Satire sur le Salon de la Femme, en avril 1975, à Québec. Faut-il être utopiste ou « bonnasse » ou tout simplement philosophe pour y croire ?

Visionner

Le Magra coréalisation de Pierre Falardeau et Julien Poulin en 1975
© Films Pea Soup inc.

La vie quotidienne à l’Institut de Police de Nicolet ou comment on fabrique en série les défenseurs du pouvoir. L’apprentissage du métier de policier à l’Institut de Police de Nicolet est montré dans ses différentes étapes où s’expriment des attitudes conformistes et des gestes conditionnés. La caméra varie les prises de vues et les plans insistent sur la rigidité morale et physique de cet embrigadement qui incarne à la fois l’aliénation et la perte d’autonomie de l’individu (Programme Cinémathèque québécoise).

Les aspirants policiers s’entraînent à marcher en ligne dans leur grande salle de répétition. À droite, accroupi, se trouve le réalisateur avec la caméra et l’enregistreur.

Photographie du tournage Le Magra, 1975. Collection Cinémathèque québécoise 1995.1754.PH.01

Les aspirants policiers sont alignés et tous orientés vers les fenêtres de la grande pièce. Ils occupent tout l’espace. En bas à gauche de la photographie se trouve le réalisateur équipé de la caméra et de l’enregistreur.

Photographie du tournage Le Magra, 1975. Collection Cinémathèque québécoise 1995.1754.PH.02

Genèse d’une caméra vidéo

Pour comprendre le Portapak et l’idée derrière cette caméra vidéo, il faut la replacer dans le contexte de l’après-guerre. La création de caméras vidéo dans les années 50 est influencée par plusieurs facteurs, dont des réflexions sur la communication et la nécessité d’être compatible avec la diffusion télévisée en plein essor.

SONY est créé en 1946 et une vingtaine d’ingénieurs compose alors l’équipe qui travaille au développement et à la production d’équipement de communication. Le succès est vite au rendez-vous d’abord au Japon, puis à l’international.

 

Un homme en costume regarde droit dans l’objectif du photographe.

Photographie de Nobutoshi Kihara, ingénieur chez SONY. ETHW.

Le Portapak est un des premiers systèmes vidéo portatifs à la disposition des particuliers, amateurs, artistes, mais également producteurs indépendants dans les années 1970.

La création de caméras vidéo est influencée par le principe de feed-back — boucle retour — notamment est une innovation majeure née de la technologie de la vidéo et popularisée ensuite dans l’art vidéo.

En 1965, SONY lance son Portapak vendu avec un trépied et un microphone. C’est le premier d’une longue série !

La vidéo devient un outil de démocratisation des médias, entre autres avec la création de médias communautaires, radios et télévisions. Elle naît dans le contexte de l’émancipation des femmes, des mouvements sociaux des années 60 et 70. La vidéo part d’une envie de s’affranchir des codes et structures du cinéma pour aller au plus proche des « vraies gens ». Cette nouvelle manière de sortir des studios, de faire témoigner directement des gens puis de le diffuser sur des réseaux communautaires alternatifs, participe au débat sociétal et accompagne les changements en cours partageant nombre d’évènements et actions politiques. Très rapidement, la vidéo incarne la subversion, la contestation, la marge.

Fiche technique Portapak AV-3400 et AVC-3400

Caractéristiques

Dimensions caméra seule
38 cm x 7 cm x 13 cm
Dimension enregistreur
27,7 cm x 7,1 cm x 26,6 cm
Poids caméra et enregistreur
11 kg
Matériaux
Plastique, métal

Composantes et accessoires

Le câble
La caméra et le microphone envoient les signaux à l’enregistreur via le câble.
L’enregistreur portable
Permet d’enregistrer les signaux de la caméra, du micro et de rembobiner pour visionner la scène captée immédiatement après. Ce n’était pas possible avec une caméra pellicule.
Bande magnétique ½ pouce noir et blanc
Contrairement à la pellicule, la bande magnétique offre la possibilité d’effacer et réenregistrer plusieurs fois sur la même bande. Elle permet d’enregistrer une trentaine de minutes d’images de basse définition.
Objectif 7-56mm
Un zoom permet d’ajuster rapidement le cadre au tournage.
Viseur électronique
Permet de voir ce que l’on filme au moment du tournage. Possibilité de visionner à travers l’œilleton immédiatement après avoir tourné les images enregistrées.
Batteries avec une autonomie de 45 min
L’enregistreur peut être alimenté par des batteries ce qui donne une plus grande liberté à l’opérateur lors du tournage. Possibilité de le brancher sur une prise électrique ou dans une voiture.
Micro mono intégré
La caméra contient un microphone intégré, elle est donc très silencieuse. Les écouteurs permettent de contrôler la qualité de l’enregistrement sonore pendant le tournage. Possibilité d’adjoindre un micro externe.
Trépied
Il est beaucoup utilisé lors d’entretiens filmés. Pour fixer la caméra dessus, il suffit d’ôter la poignée sous la caméra.
Sac en bandoulière ou sac à dos pour l’enregistreur
Permet de libérer l’opérateur qui peut se consacrer entièrement à la caméra lors du tournage. La caméra et l’enregistreur peuvent être opérés par une seule et même personne.

Particularités de l’appareil

Portabilité
Le Portapak constitue une alternative aux très lourdes caméras professionnelles de télévision utilisées en studio et peut être opéré par une seule personne sur le terrain. Le tout pèse néanmoins 11 kg.
Fonctions automatiques
La caméra dispose de fonctions automatiques qui permettent de simplifier l’opération de la caméra, ce qui la rend utilisable par des amateurs.

Le fonctionnement et la prise en main

Faire des reportages pour la télévision sur le terrain, seul, n’aura jamais été aussi accessible qu’avec la caméra vidéo Portapak. Sa portabilité et ses fonctions automatiques en font une caméra relativement simple à utiliser.

Il suffit de brancher la caméra à l’enregistreur, appuyer sur le bouton déclencheur, laisser chauffer l’appareil, puis ajuster les paramètres comme pour les caméras pellicules. L’enregistreur préalable chargé de la bande magnétique, la batterie et les écouteurs peuvent être transportés dans la sacoche de tournage.

Dans les faits, il était toutefois nécessaire de réaliser un certain nombre d’étapes avant de pouvoir filmer. Ce n’est pas encore instantané !

 

Première page du manuel du Portapak, aussi appelé Videocorder AV-3400. La page est blanche à l’exception d’un dessin de l’enregistreur à gauche et d’une personne portant l’équipement (caméra et enregistreur) à droite. Voir

S.a. s.d. Manuel d’instruction de la caméra AV-3400 de SONY. 9 p. Collections Richard Diehl.

pdf (8,78 Mo)
Première page du manuel du Portapak. La page est blanche à l’exception d’un titre manuscrit The Accessible Portapak Manual 1974-1984 Voir

Goldberg, Michael. 1974. The Accessible Portapak Manual 1974-1984. Collection Cinémathèque québécoise 2017.0001.01.0054.FD

pdf (2,68 Mo)

Le vidéaste est relativement libre de ses mouvements. Il peut regarder dans le viseur pour cadrer, mais ce n’est pas une obligation. En effet, contrairement aux caméras argentiques, pour lesquelles la lumière ne doit pas passer par l’œilleton au risque d’altérer l’image filmée, ici il est possible d’être beaucoup plus mobiles. La caméra est en ce sens moins contraignante.

Le vidéaste peut opérer seul la caméra et l’enregistreur, mais le tout pèse quand même près de 4 fois plus que la Bolex ! Il est donc commun de voir deux personnes opérer l’appareil, l’un tient la caméra, l’autre s’occupe de l’enregistreur et/ou du microphone.

Le tournage en vidéo va permettre aux projets de se multiplier, car les tournages sont plus rapides avec des équipes plus petites à la hiérarchie moins rigide. Le fonctionnement de ces caméras offre finalement une plus grande liberté et indépendance aux vidéastes.

Avec la vidéo, je suis en rapport direct et constant avec l’image. Ce qui n’est pas le cas quand je tourne un film. En effet, vu le coût de la journée-cinéma, je suis obligée de confier l’image à des spécialistes (directeur-photo, cadreur, pointeur puis étalonneur) qui en donneront le meilleur rendu, preuve de leur savoir-faire (d’où la tendance au “léché” de la lumière et des décors qui caractérise les films “standard”). En vidéo, j’ai droit à l’erreur (en plus, je peux contrôler l’image immédiatement, chercher des solutions, recommencer, expérimenter). Je tiens donc la caméra, je cadre, j’éclaire pour mon plus grand plaisir. La vidéo est mon atelier d’images, mon lieu de recherches où je peux m’accorder toute la liberté dont je suis capable.

(Danielle Jaeggi dans Minne 2016, p. 20)

Nicole tient la caméra sans trépied. L’œil collé au viseur, main droite sous la caméra et main gauche sur le zoom. L’enregistreur est posé sur une voiture à côté de la réalisatrice.

Photographie de Nicole Giguère prise à Paris, 1977. Collection personnelle de Nicole Giguère.
©Nicole Giguère

Une femme regarde dans le viseur d’un Portapak. Sa main gauche est placée sur la poignée du trépied pour diriger la caméra. Sa main droite ajuste l’objectif.

Photographie d’Hélène Bourgault sur le tournage de Chaperons rouges. Le Portapak est posé sur un lourd trépied qui n’est pas celui initialement conçu par SONY. Collection Cinémathèque québécoise : Fonds Helen Doyle 1995.0736.PH
©Helen Doyle

Deux femmes regardent à travers la caméra pour visionner à nouveau une prise. Celle de droite à un casque pour écouter en même temps.

Photographie du tournage Sois belle et tais-toi en 1975. Delphine Seyrig à droite écoute et visionne un enregistrement directement à travers l’œilleton relevé de la caméra. Photographie extraite du livre Defiant muses : Delphine Seyrig and the feminist video collectives in France in the 1970s and 1980s, etc. p. 32-33.

Trois femmes assises. À gauche, le personnage qui est interviewé. À droite, assise à côté d’elle, une autre femme lui tend le micro de la main droite et soutien son bras de sa main gauche. La dernière est en train de filmer. Le dos courbé, elle semble vouloir prendre du recul pour cadrer.

Photographie du tournage Sois belle et tais-toi en 1975. Delphine Seyrig à droite, en blanc, recueille grâce à un micro additionnel, la parole d’une autre femme à sa gauche, Maria. Carole Roussopoulos en bas à droite de l’image est en train de filmer. Photographie extraite du livre Defiant muses: Delphine Seyrig and the feminist video collectives in France in the 1970s and 1980s, etc. p. 22-23.

Un homme tient la caméra du Portapak contre son bras gauche. L’enregistreur est porté en bandoulière dans le sac en cuir. Il sourit et tient la pose.

Photographie de Bernard Émond tenant un Portapak à la main. Collection Cinémathèque québécoise 2004.0059.PH.07
©Gabor Szilasi

Utilisateurs

Une double page expose les différentes parties de l’appareil avec un texte explicatif. Un exemple de maintien de la caméra, à une seule main, participe du cliqué léger et simple d’utilisation. Voir

Publicité issue de Business Screen Magazine 1971, p. 430.
Domaine public

pdf (379,25 ko)

Les utilisateurs sont des particuliers, des amateurs, des militants de plusieurs communautés (féministes, personnes racisées, autochtones, LGBTQ+), des artistes visuels, des plasticien.nes et même des cinéastes et des journalistes. Il y a aussi les coops et les écoles. Malgré le coût de l’appareil relativement élevé (environ 1500 dollars US de 1970 soit 14 000 dollars canadiens d’aujourd’hui), c’est un succès commercial, avec des milliers d’exemplaires vendus à travers le monde.

Ce matériel peut être emprunté dans des coops, ce qui en fait un outil privilégié pour une production d’œuvre engagée. À Montréal, Vidéographe, par exemple, qui a distribué Le Magra, est un espace de location, de création et de diffusion d’œuvres engagées.

Au Québec et en France, la vidéo a beaucoup été utilisée par les femmes dans une volonté de soulever des questions d’égalité des genres. Les vidéastes souhaitent changer les choses, faire évoluer la société en révélant ses travers. Par exemple, Vidéo Femmes, collectif fondé par Helen Doyle et Nicole Giguère souhaite produire et diffuser des vidéos faites par des femmes pour les femmes.

Ce sont les pro­ductions vidéo que j’ai faites à Vidéo Fem­mes qui m’ont permis de tourner, d’expé­rimenter, d’apprendre et de vivre avec un bonheur égal au cours des dernières an­nées. Travailler avec des équipes de fem­mes dans le respect et la confiance, c’est avec la vidéo que j’ai connu ça.

Lise Bonenfant dans Copie Zéro, 1985, n. 26 [en ligne]

Le Portapak est au service de la communauté aussi parce qu’il permet une large diffusion de contenus, à la télévision. La vidéo a permis la production de contenu pour les Télévisions Communautaires Autonomes (TCA) : une quarantaine de télévisions communautaires incorporées en organismes sans but lucratif qui œuvrent en production télévisée locale et/ou régionale, à diffuser du contenu sur le canal communautaire de leur territoire. Ces TCA adhèrent à des valeurs et à des principes qui les guident et dont elles font la promotion. Ces stations sont aussi dirigées par des citoyens1.

Au Québec, des groupes de citoyens choisissent de mettre sur pied un tel type de média communautaire parce qu’ils croient en sa capacité à unir la communauté autour d’enjeux importants. La prise de parole citoyenne est considérée comme un moyen de participer aux changements sociaux. La télévision devenait accessible et formatrice pour les militants qui choisissent de s’y impliquer.

En parallèle de ce premier usage, de nombreux artistes venant d’autres domaines artistiques adoptent la vidéo comme un nouveau mode d’expression prolongeant le cinéma. C’est un média en devenir qui ouvre la porte à de nouvelles expérimentations.

Donc, en plus d’être un mode de communication engagé, la vidéo est aussi devenue une forme d’art expérimental.

1 https://fedetvc.qc.ca/

Ressources additionnelles

Voici un lien vers un lexique qui te permettra de mieux comprendre certains termes utilisés : Glossaire du cinéma

Tu es curieux ? Tu veux en savoir plus sur le Portapak et les vidéastes qui l’ont utilisé ? Voici des liens vers d’autres contenus qui te permettront d’approfondir tes connaissances.

Bibliographie

S.a. s.d. Manuel d’instruction de la caméra AV-3400 de SONY. 9 p.  Collections Richard Diehl.

Goldberg, Michael. 1974. The Accessible Portapak Manual 1974-1984. 18 p. Collection Cinémathèque québécoise.

Bourdeau, Roger. 2015. Helen Doyle cinéaste : la liberté de voir. Montréal : Vidéo femmes ; Les Éditions du remue-ménage.

Minne, Julia. 2016. « Collecter, conserver et valoriser la vidéo légère en France (1968-1981) et au Québec (1967-1989) ». Mémoire de maîtrise, Paris, Université Paris 8.

Musée National Centre d’Art Reina Sofía, catalogue de l’exposition  Defiant muses: Delphine Seyrig and the feminist video collectives in France in the 1970s and 1980s. Internet archive.

Copie Zéro, n. 26, octobre 1985

Site web de l’entreprise SONY

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